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Le cimetière des chiens d'Asnières, d'après l'article de Bérénice Gaillemin

L'article dont il est question ici est l'article de Bérénice Gaillemin, anthropologue : Vivre et construire la mort des animaux dans le numéro 39 (pages 495 à 507) de la revue Ethnologie Française (Presses Universitaires de France) parue en 2009. Les thématiques abordées sont variées et me semblent assez intéressantes, c'est pour ces raisons que je souhaite revenir dessus. [Référence de l'article en question en bas de la publication]


Le cimetière des chiens d'Asnières-sur-Seine (monument historique depuis 1987), est, contrairement à ce que l'on peut penser, un cimetière comportant différents animaux domestiques et pas seulement des chiens. Situé dans la banlieue nord-ouest de Paris, ce cimetière fut créé en 1899 par la Société anonyme française du cimetière pour chiens et autres animaux domestiques. Il fut avant tout construit dans un but utilitaire. En effet avec la révolution industrielle et le surpeuplement que connaît Paris, de nombreuses épidémies se développent. La question de l'hygiène devient centrale et ne concernent pas uniquement les êtres humains : il faut s'occuper des corps des animaux. Il faut garder en mémoire que seuls les plus aisés enterraient leurs animaux en ces lieux. Aujourd'hui les prix restent élevés, mais plus accessibles aux classes moyennes. Mais cette question utilitaire est accompagnée d'un autre phénomène décrit par l'auteure, la fonction de l'animal se déplace : d'utilitaire, elle s'associe désormais à l'agrément [1]. Cet article revient sur son histoire mais également sur ce qu'il nous enseigne du rapport entre l'homme et l'animal domestique, notamment avec la notion d'anthropomorphisme. Sa démarche est donc, d'après ses mots :


D'analyser l’évolution des traitement des animaux « via l’étude de leur dépouille » et en « analysant de manière systématique les épitaphes et les décors des tombes récentes ». Voir les rapport entre l’homme avec animaux mais aussi de leur mort [à l'aide] aide du personnel du cimetière et des propriétaires de tombes [3]


Regardons donc de plus près ses observations.


Photographie de Presse, Agence Rol. 1926 (BNF)
Portail du cimetière
Plan du cimetière
Plan du cimetière

Première observation faite : l'anthropomorphisme. Déjà, ce cimetière peut être facilement comparé à un cimetière humain par son organisation mais également par le soins accordé par les propriétaires (concessionnaires) aux sépultures, avec un entretient important. Elle observe également la présence de monuments en hommage aux chiens policiers comme s'il s'agissait d'humain. On retrouve certes des sépultures d'animaux ayant appartenu à des célébrités (comme Clément, le chien de Michel Houellebecq) ou des animaux-stars (voir plan), mais on retrouve également de très nombreuses sépultures d'anonymes, comme il a déjà été mentionné plus haut.


De nombreux témoignages sont retranscrits : du gardien, des concessionnaires, des visiteurs, permettant ainsi de mieux aborder la question. L'auteure souligne la multiplicité des histoires donnant ainsi une vue d'ensemble. Cette question de cimetière pour animaux peut prêter à rire et tant on se moque facilement de ces gens bizarres aux idées jugées saugrenues[4]. Cela peut être considéré comme une extravagance, parfois comme un comportement déviant, mais comment pouvons-nous nous permettre juger de l'attachement d'un Homme à son animal, de son besoin de lui apporter une sépulture, de faire son deuil ?

Cet anthropomorphisme est aussi visible par la forme des sépultures : un caveau cimenté, en pleine terre, un cercueil capitonné et des artefacts, des portiques, des mausolées ou encore des pierres tombales accompagnées d'une stèle. On y retrouve des épitaphes avec la majorité du temps le prénom, la date de naissance et du décès, et ce qui est intéressant d'après Bérénice Gaillemin, c'est l'assimilation de l'animal à un enfant. Lorsque j'ai lu ceci, j'ai immédiatement pensé aux surnoms un peu niais que l'on peut leur donner à nos animaux, donc cette notion d'animal associé à un enfant ne m'étonne pas.

Photographie de presse, Agence Rol. 1926 (BNF)
Alignement de tombes
Photographie de presse, Agence Rol. 1926 (BNF)
Tombes du Quartier Laguerre

Ces épitaphes méritent une attention particulière car l'on observe que des qualités humaines sont attribuées au défunt [5] encore une fois preuve de cet anthropomorphisme.

Venons en aux décorations d'autant plus révélatrice de cette notion, même si des différences existent entre les sépultures humaines et animales. On y trouve de nombreux objets : statuettes, jouets ou autre… Si l'on observe les sépultures humaines, les sépultures avec des objets sont le plus souvent des sépultures d'enfants : ma réflexion personnelle est donc de me demander si cette assimilation de l'animal à l'enfant n'en ressort pas plus renforcée ?


Photographie de presse, Agence Rol. 1926 (BNF)
Tombe de Zézette et Didi

L'auteur en vient à une autre question : l'animal et l'âme. La croyance en l'âme animale est ancienne. Au Moyen-Age (en Occident), les animaux étaient reconnu comme aillant une âme [6] leur donnant ainsi accès à des jugements et des condamnations en cas de fautes [7]. Aujourd'hui les sanctions pénales pour les animaux n'existent plus, mais l'attribution d'une âme à l'animal est toujours présente. L'âme est une croyance, et cette croyance en l'âme animale est dans ce cimetière montrée de plusieurs manières.


Depuis 1993, une fois par an, les maîtres peuvent amener leurs compagnons – vivants – dans la chapelle Sainte-Rita de Paris afin que Mgr Philippe, le curé de la paroisse, prie pour leur salut. Celui-ci confirme à l’assemblée l’existence des âmes et d’un paradis des animaux. Il oint les malades d’eau bénite et encourage à la prière pour les âmes en peine. Dans cette même église, Mgr Philippe peut bénir, à la demande, les urnes contenant les cendres des animaux familiers. [9]


Ces dires que l'on retrouve dans l'article, prouvent cette croyance. Néanmoins, dans ce cimetière, les croix ou les cérémonies religieuses sont interdites même si le recueil est la prière peuvent être encouragés par les lieux. Tel un comportement que l'on retrouve dans des cimetières humains. On retrouve également de nombreux signes d'offrandes : des bougies, statuette, croquettes, plaques... Rappelons le rôle des offrandes : accompagner le voyage après la mort. Cela est accentué par les nombreuses visites lors de la Toussaint et encore une fois les épitaphes que nous cites l'auteure :


« Compagnon d’une vie, compagnon merveilleux. Tu nous as tout donné, ta force et ta tendresse. Jusqu’à ton Paradis, où le ciel est radieux. Que ton éternité reçoive une caresse »


« Que ton repos soit doux comme ton cœur fut bon"



Autre point abordé : l'art funéraire. Et c'est ici qu'il est souligné des différences entre l'hommes et l'animal. Où l'auteure souligne des caractéristiques propres au cimetière animalier avec l'éclosion d'une certaine exubérance [9]. En effet les éléments de décorations des sépultures sont parfois si riches, que l'on ne retrouve pas d'équivalence chez les humains, où la sobriété est davantage favorisée.

Puis vient le statut de l'animal : quel place tient-il ? Il n'est pas un membre de la famille dans le sens généalogique mais il y est tout de même intégré, c'est un compagnon à part, comme le souligne Bérénice Gaillemin, c'est une sorte d'humain idéal qui ne déçoit jamais [10].



Je ne peux que vous conseiller de lire l'article disponible sur Cairn, beaucoup plus précis puisque je me suis contentée ici de retracer les grandes idées de l'auteure. Ce cimetière est intéressant d'un point de vue historique, sociologique et anthropologique puisqu'il nous renseigne sur les liens entre un être humain et son animal qui est particulièrement révélés par la mort, tout comme la manière dont nous traitons nos défunts en dit long sur les relations que nous avons avec eux. Pour ceux n'ayant pas accès à Cairn (car hors de l'université ou simplement pas abonné), si une des notions abordées vous intéresse, contactez moi et je tenterai de répondre au mieux à vos interrogation sur cet article !



Sources

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[1][2][3][4][5][9][10] Gaillemin Bérénice, « Vivre et construire la mort des animaux. Le cimetière d'Asnières », Ethnologie française, 2009/3 (Vol. 39), p. 495-507. DOI : 10.3917/ethn.093.0495. URL : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2009-3-page-495.htm


[6] Cap : tti,1989 : 223-240 dans Gaillemin Bérénice, « Vivre et construire la mort des animaux. Le cimetière d'Asnières », Ethnologie française, 2009/3 (Vol. 39), p.495-505


[7] Digard, 1999 : 179 ; Réal, 2006 dansGaillemin Bérénice, « Vivre et construire la mort des animaux. Le cimetière d'Asnières », Ethnologie française, 2009/3 (Vol. 39), p.495-505


[8]Digard, op. cit. : 209 ; Chapouthier, 1992 dans Gaillemin Bérénice, « Vivre et construire la mort des animaux. Le cimetière d'Asnières », Ethnologie française, 2009/3 (Vol. 39), p.495-505


Images : (Toutes les descriptions en cliquant sur l'article)



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