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On parle de "lui", de l'égo, à la troisième personne du singulier. Ce qui est étonnant quand on sait que l'égo, c'est Moi. Il est, comme le décrit Sartre (1905-1980) dans La transcendance de l'égo parut en 1936, objet de notre conscience. L'égo est donc la représentation, la conscience que j'ai de moi-même.
C'est donc une question d'identité, il fait de nous la personne que nous sommes ou plutôt je dirais, la personne que nous voulons être aux yeux des autres. Ce qui est ironique quand on sait que le mot "personne" vient du Grec persona, signifiant "le masque" que portaient les comédiens au théâtre.
C'est notamment ce qu'explique Hume (1711-1776) quand il décrit l'égo comme étant est une fiction , c'est une identité que l'on se donne pas forcement représentative de ce que nous sommes. Un égo blessé, c'est donc une remise en cause d'une partie de l'identité que nous nous sommes créés. Ne pourrions nous pas alors penser dans ce cas, que si la remise en cause de cette partie de votre identité vous est particulièrement désagréable, vous incitant à remettre en question la personne que vous êtes, alors elle n'est donc pas réellement ce que vous êtes ?
Par exemple, je donne l'impression d'avoir extrêmement confiance en moi, mais je vacille et me défend bec et ongles dès qu'on remet en cause mes capacités professionnelles. C'est mon égo qui parle, donc finalement, cette image de confiance en moi n'est qu'une fiction car vous souhaitez à tout prix garder l'image, aux yeux d'autrui, d'une personne performante. Si votre être et non votre Moi, était réellement en confiance peut-être que vos émotions et vos états d'âmes seraient moins violents. Notre Moi, c'est notre identité, une identification avec tout ce que nous ne sommes pas : nos croyances, nos look, nos émotions… Ce que nous pensons être. Dès lors où cette identité, ce moi est remis en question, alors qui sommes - nous ?
L'égo est donc essentiel pour la construction de notre identité en tant qu'individus mais il nous rend particulièrement fragile lorsque que ce dernier prend trop de place. Il peut vous rendre particulièrement manipulable. Qui n'a jamais entendu un patron toucher à l'égo de l'un de ses collaborateurs pour le booster ou booster les troupes ? L'égo peut donc nous mener à une véritable dépendance du regard de l'autre et de la société, pour le plus grand plaisir du monde capitaliste, ce qu'explique très bien Mathias Roux dans La dictature de l'égo.
Nous oublions voire ignorons que la personne que nous sommes ce n'est pas l'être que nous sommes. La personne porte un masque, l'être, lui dans la pensée philosophique, est pure. Par exemple, si nous voulions nous intéresser à la thématique de l'Amour, il serait intéressant de se questionner sur ce que l'on appel l'Amour : est-ce aimer une personne, donc ce qu'elle paraît ou aimer un Être ? Et comment savoir si j'aime une personne ou l'Être qu'elle est ? Ou aimer, est-ce aimer à la fois l'être est la personne. J'ai ma réponse, mais autant dire que nous aurions tous intérêt à y réfléchir.
Pour Pascal (1623-1662) "le moi est haïssable" dans le sens où il veut se faire le "centre de tout" et devient "le tyran de tout les autres". Il explique également que nous risquons de nous perdre à trop vouloir savoir qui nous sommes car nous sommes en réalité indéfinissables.
Cet égo, il ne faut pas le blâmer car je pense qu'il constitue l'individu que nous sommes. En revanche, lorsqu'il n'est pas aligné avec l'être que nous sommes, qu'il sert à camoufler quelque chose de bien plus profond, à combler une fragilité ou un manque, alors nous devenons l'ombre de nous-même, envahis d'orgueil, d'hubris et d'égoïsme, nous précipitant droit vers notre chute et celle des autres.
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